Le conte de Casse-Noisette
Le soir de Noël, Marie trouve parmi les jouets un casse-noisette en forme de bonhomme. Jaloux, son frère Fritz brise les dents du jouet. La nuit venue, la fillette refuse de se coucher sans avoir installé au mieux son casse-noisette dans l’armoire quand, à minuit, des bruits se font entendre. Marie découvre avec terreur son parrain Drosselmayer assis sur l’horloge et voit des milliers de souris commandées par un roi à sept têtes. Tandis que les rongeurs se rangent en ordre de bataille, les jouets descendent de l’armoire et choisissent Casse-Noisette pour général. La joute s’engage mais très vite les souris menacent Casse-Noisette. Furieuse, Marie jette son soulier sur les assaillants et sauve son ami avant de tomber évanouie.
Le lendemain, Marie raconte l’aventure à ses parents incrédules. Quand arrive Drosselmayer, elle lui reproche de ne pas avoir secouru Casse-Noisette. En guise d’explication, il lui raconte comment son neveu, Nathaniel Drosselmayer, fut transformé en casse-noisette par Dame Souriçonne, la mère du Roi des souris. Pour retrouver forme humaine, il doit diriger un combat au cours duquel il lui faut tuer le Roi des souris à sept têtes, puis il doit se faire aimer d’une jolie dame.
Plusieurs nuits plus tard, Casse-Noisette supplie la fillette de lui donner une épée. Le lendemain, le Roi des souris est tué en combat régulier au grand bonheur de Marie qui accompagne Casse-Noisette dans le royaume des poupées.
A son réveil, Marie montre à ses parents les sept petites couronnes du Roi des souris. Devant leur scepticisme, la fillette éclate en sanglots, affirme qu’elle aime véritablement Casse-Noisette et tombe évanouie. Quand elle rouvre les yeux, elle voit son parrain et Nathaniel qui viennent d’entrer. Les enfants sont laissés seuls et le garçon demande à Marie de l’épouser. La fillette accepte et devient souveraine du royaume des poupées.
Le conte « Le Bonhomme de neige »
Quel beau froid il fait aujourd’hui ! dit le Bonhomme de neige. Tout mon corps en craque de plaisir. Et ce vent cinglant, comme il vous fouette agréablement ! Puis, de l’autre côté, ce globe de feu qui me regarde tout béat !
Il voulait parler du soleil qui disparaissait à ce moment.
– Oh ! Il a beau faire, il ne m’éblouira pas ! Je ne lâcherai pas encore mes deux escarboucles.
Il avait, en effet, au lieu d’yeux, deux gros morceaux de charbon de terre brillant et sa bouche était faite d’un vieux râteau, de telle façon qu’on voyait toutes ses dents. Le bonhomme de neige était né au milieu des cris de joie des enfants.
Le soleil se coucha, la pleine lune monta dans le ciel ; ronde, et grosse, claire et belle, elle brillait au noir firmament.
– Ah ! le voici qui réapparaît de l’autre côté, dit le Bonhomme de neige.
Il pensait que c’était le soleil qui se montrait de nouveau.
– Maintenant, je lui ai fait atténuer son éclat. Il peut rester suspendu là-haut et paraître brillant ; du moins, je peux me voir moi-même. Si seulement je savais ce qu’il faut faire pour bouger de place ! J’éprouverais tant de plaisir à me remuer un peu ! Si je le pouvais, j’irais tout de suite me promener sur la glace et faire des glissades, comme j’ai vu faire aux enfants. Mais je ne peux pas courir.
– Ouaf ! Ouaf ! aboya le chien de garde.
Il ne pouvait plus aboyer juste et était toujours enroué, depuis qu’il n’était plus chien de salon.
– Le soleil t’apprendra bientôt à courir. Je l’ai bien vu pour ton prédécesseur, pendant le dernier hiver.
– Je ne te comprends pas, dit le Bonhomme de neige. C’est cette boule, là-haut (il voulait dire la lune), qui m’apprendra à courir ? C’est moi plutôt qui l’ai fait filer en la regardant fixement, et maintenant elle ne nous revient que timidement par un autre côté.
– Tu ne sais rien de rien, dit le chien ; il est vrai aussi que l’on t’a construit depuis peu. Ce que tu vois là, c’est la lune ; et celui qui a disparu, c’est le soleil. Il reviendra demain et, tu peux m’en croire, il saura t’apprendre à courir.
– Je ne le comprends pas du tout, se dit à lui-même le Bonhomme de neige, mais j’ai le pressentiment qu’il m’annonce quelque chose de désagréable. Et puis, cette boule qui m’a regardé si fixement avant de disparaître, et qu’il appelle le soleil, je sens bien qu’elle aussi n’est pas mon amie.
Le temps changea. Vers le matin, un brouillard épais et humide se répandit sur tout le pays, et, un peu avant le lever du soleil, un vent glacé se leva. Quel magnifique coup d’œil, quand le soleil parut ! Arbres et bosquets étaient couverts de givre et toute la contrée ressemblait à une forêt de blanc corail.
Les bouleaux s’inclinaient mollement au souffle du vent ; il y avait en eux de la vie comme les arbres en ont en plein été. Quand le soleil vint à briller au milieu de cette splendeur incomparable, il sembla que des éclairs partaient de toutes parts, et que le vaste manteau de neige qui couvrait la terre ruisselait de diamants étincelants.
– Quel spectacle magnifique ! s’écria une jeune fille qui se promenait dans le jardin avec un jeune homme. Ils s’arrêtèrent près du Bonhomme de neige et regardèrent les arbres qui étincelaient. Même en été, on ne voit rien de plus beau !
– Surtout on ne peut pas rencontrer un pareil gaillard ! répondit le jeune homme en désignant le Bonhomme de neige. Il est parfait !
– Qui était-ce ? demanda le Bonhomme de neige au chien de garde. Toi qui es depuis si longtemps dans la cour, tu dois certainement les connaître ?
– Naturellement ! dit le chien. Elle m’a si souvent caressé, et lui m’a donné tant d’os à ronger.
– Mais qui sont-ils donc ?
– Des fiancés, répondit le chien. Ils veulent vivre tous les deux dans la même niche et y ronger des os ensemble. Ouaf ! Ouaf !
– Est-ce que ce sont des gens comme toi et moi ?
– Ah ! Mais non ! dit le chien. Ils appartiennent à la famille des maîtres ! Je connais tout ici dans cette cour ! Oui, il y a un temps où je n’étais pas dans la cour.
– Je t’en prie, raconte, dit le Bonhomme de neige.
– J’ai été jeune chien, gentil et mignon, comme on me le disait alors. J’avais ma place sur un fauteuil de velours dans le château, parfois même sur le giron des maîtres. On m’embrassait sur le museau, et on m’époussetait les pattes avec un mouchoir brodé. On m’appelait « Chéri ». Mais je devins grand, et l’on me donna à la femme de ménage. J’allais demeurer dans le cellier. C’était moins luxueux que dans les appartements du dessus, mais ce n’en était que plus agréable. J’avais un coussin spécial, et je me chauffais à un bon poêle. Je me glissais dessous et l’on ne me voyait plus. Tiens ! j’en rêve encore.
– Est-ce donc quelque chose de si beau qu’un poêle ? reprit le Bonhomme de neige après un instant de réflexion.
– Non, non, tout au contraire ! C’est tout noir, avec un long cou et un cercle en cuivre. Il mange du bois au point que le feu lui en sort par la bouche. Il faut se mettre au-dessus ou au-dessous, ou à côté, et alors, rien de plus agréable.
– Pourquoi es-tu parti de chez elle ? demanda le Bonhomme de neige.
Il disait : elle, car, pour lui, un être si aimable devait être du sexe féminin.
– Comment as-tu pu quitter ce lieu de délices ?
– Il le fallait bon gré mal gré, dit le chien. On me jeta dehors et on me mit à l’attache, parce qu’un jour je mordis à la jambe le plus jeune des fils de la maison qui venait de me prendre un os. Les maîtres furent très irrités, et l’on m’envoya ici à l’attache. Tu vois, avec le temps, j’y ai perdu ma voix. J’aboie très mal.
Le chien se tut. Mais le Bonhomme de neige n’écoutait déjà plus ce qu’il lui disait. Il continuait à regarder chez la femme de ménage, où le poêle était posé.
– Tout mon être en craque d’envie, disait-il. Si je pouvais entrer ! Souhait bien innocent, tout de même ! Il faut que je m’appuie contre le poêle, dussé-je passer par la fenêtre !
– Tu n’entreras pas, dit le chien, et si tu entrais, c’en serait fait de toi.
– C’en est déjà fait de moi, dit le Bonhomme de neige ; l’envie me détruit.
Toute la journée il regarda par la fenêtre. Du poêle sortait une flamme douce et caressante ; un poêle seul, quand il a quelque chose à brûler, peut produire une telle lueur ; car le soleil ou la lune, ce ne serait pas la même lumière. Chaque fois qu’on ouvrait la porte, la flamme s’échappait par-dessous. La blanche poitrine du Bonhomme de neige en recevait des reflets rouges.
– Je n’y puis plus tenir ! C’est si bon lorsque la langue lui sort de la bouche !
La nuit fut longue, mais elle ne parut pas telle au Bonhomme de neige. Il était plongé dans les idées les plus riantes. Au matin, la fenêtre du cellier était couverte de givre, formant les plus jolies arabesques qu’un Bonhomme de neige pût souhaiter ; seulement, elles cachaient le poêle. La neige craquait plus que jamais ; un beau froid sec, un vrai plaisir pour un Bonhomme de neige.
Un coq chantait en regardant le froid soleil d’hiver. Au loin dans la campagne, on entendait résonner la terre gelée sous les pas des chevaux s’en allant au labour.
Et pourtant le Bonhomme de neige n’était pas gai.
Aussi, quand tout concourt à réaliser nos souhaits, nous cherchons dans l’impossible et l’inattendu ce qui pourrait arriver pour troubler notre repos ; il semble que le bonheur n’est pas dans ce que l’on a la satisfaction de posséder, mais tout au contraire dans l’imprévu d’où peut souvent sortir notre malheur.
C’est pour cela que le Bonhomme de neige ne pouvait se défendre d’un ardent désir de voir le poêle, lui l’homme du froid auquel la chaleur pouvait être si désastreuse. Et ses deux gros yeux de charbon de terre restaient fixés immuablement sur le poêle qui continue à brûler sans se douter de l’attention attendrie dont il était l’objet.
– Mauvaise maladie pour un Bonhomme de neige ! pensait le chien. Nous allons encore avoir un changement de temps !
Et cela arriva en effet : ce fut un dégel. Et plus le dégel grandissait, plus le Bonhomme de neige diminuait. Il ne disait rien ; il ne se plaignait pas ; c’était mauvais signe. Un matin, il tomba en morceaux, et il ne resta de lui qu’une espèce de manche à balai. Les enfants l’avaient planté en terre, et avaient construit autour leur Bonhomme de neige.
– Je comprends maintenant son envie, dit le chien. C’est ce qu’il avait dans le corps qui le tourmentait ainsi !
Bientôt après, l’hiver disparut à son tour.
Une petite fille chantait dans la cour :
Ohé ! voici l’hiver parti
Et voici Février fini !
Chantons : Coucou !
Chantons ! Cui… uitte !
Et toi, bon soleil, viens vite !
Personne ne pensait plus au Bonhomme de neige.
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